Plaidoyer pour une "école" pour Adultes
- Victor Jeoffre

- 5 nov.
- 4 min de lecture
On l’imagine tous, cette école qui serait… faite pour nous. Pour adultes – pas seulement des amphithéâtres, des tableaux, du « cours » comme quand on avait 18 ans, mais un lieu, un espace, un mode d’apprentissage pensé pour l’adulte, son rythme, ses besoins, ses doutes. Mais bon, avant de s’emballer : est-ce vraiment possible ? Simple invention ? Ou vraie révolution en marche ?
Pourquoi aujourd’hui l’école pour « adultes » mérite qu’on s’y intéresse
À l’heure où les métiers changent, la technologie avance, les compétences qu’on croyait acquises vacillent, l’adulte se retrouve parfois en zone de turbulence. On n’est plus étudiant, mais on n’est pas nécessairement formateur non plus, on est dans ce creux d’apprentissage perpétuel. Et trop souvent, les formations proposées sont des variantes de l’école « normal » (amphi + cours magistral) : peu adaptées.
L’idée d’une école de demain pour adultes, c’est : se ré-inventer. Penser que oui — même après 30, 40, 50 ans — on peut apprendre mieux, différemment, que notre temps d’attention peut être respecté — et que notre expérience, nos « vies », sont un capital, pas un handicap.
Les piliers de l'apprentissage repensés pour l’adulte
On se souvient de l’article « Apprendre à apprendre : mythe ou réalité ? » qui évoque l’attention, l’engagement actif, l’échec, la consolidation.
Pour l’adulte, ces piliers prennent une forme un peu différente.
Attention repensée : Adulte, on est happé par mille choses : job, famille, notifications. Une « école » adulte doit savoir capter l’attention autrement : formats courts, hybrides, moments choisis. On ne demande plus « 10 h de cours » mais « 15 minutes puissantes quand je peux ».
Engagement actif (et autonomie) : On n’est plus là pour juste écouter un prof ; on a vécu, on sait des choses. L’engagement signifie : participer, expérimenter, ramener ses questions, appliquer demain. On devient acteur, pas spectateur.
Échec valorisé : Pour l’adulte, l’erreur est souvent lourde : après des années d’expérience, reprendre un apprentissage peut faire peur. Alors, cette école de demain doit cultiver l’échec comme tremplin : « oui : j’ai raté, j’apprends mieux maintenant ».
Consolidation et rythme adapté : On ne peut plus s’isoler pendant des semaines pour apprendre un truc ; on a des responsabilités. Ce qui fonctionne : apprentissages modulaires, petits relais réguliers, réactivation dans le temps.
À quoi ressemble cette école de demain pour adultes ?
Concrètement, comment ça pourrait se voir ? Voici quelques traits.
Mix physique/virtuel hybride : Quelques sessions en présentiel, des ateliers pratiques, mais aussi des blocs en ligne que vous faites quand vous pouvez. L’idée : flexibilité sans sacrifier l’interaction.
Groupes mixtes d’expérience : Des adultes venant d’horizons différents, avec une vraie richesse : celui qui change de carrière à 45 ans, celui qui veut se remettre à niveau, celui qui a une passion à professionnaliser. Ces groupes créent un terreau d’échanges.
Projet concret, apprentissage par le faire : Plutôt que « cours de marketing digital », on a « lance ton mini-projet, on t’accompagne, tu bosses, on itère ». On apprend en faisant, on apprend en corrigeant, et par cette boucle on internalise.
Mentorat et pair-to-peer : L’adulte a besoin de repères, de retours. L’école de demain place le mentor, l’accompagnateur, le retour immédiat. Aussi le partage entre pairs : on apprend de l’autre, on avance ensemble.
Rythme adapté, bien-être pris en compte : On ne peut plus demander « cours de 9 h à 12 h » quand on a job ou enfants. L’apprentissage se fractionne, on peut « micro-apprendre », on peut avoir des « temps off ». On intègre aussi que la vie personnelle nourrit l’apprentissage : le sommeil, la curiosité, l’équilibre sont des facteurs clés.
Pourquoi cette école n’est pas encore partout
Oui, on en parle, mais on ne la voit pas encore à tous les coins de rue. Plusieurs freins existent.
Culture de l’enseignement traditionnel : Les formateurs, les établissements ont souvent été formés dans un modèle classique. Changer ça, c’est bousculer.
Financement et structure : Créer des formations adaptatives, hybrides, modulaires coûte souvent plus cher. Et pour l’adulte, l’équilibre coût/temps est crucial.
Motivation de l’adulte : On croit maîtriser, on a peu de temps, on doute parfois du « jeu ». L’adulte doit décider qu’il veut apprendre — ce n’est plus imposé. Ce « choisir d’apprendre » implique de s’engager.
Trois conseils pour s’engager dans cette école de demain
Si vous êtes adulte et que vous voulez profiter de cette révolution, voici trois pistes.
Définissez votre « pourquoi » : Pourquoi voulez-vous apprendre ? Quelle compétence, pour quel projet, pour quel sens ? Sans cette boussole, on risque de s’éparpiller.
Choisissez une formation qui vous respecte : Pas uniquement un catalogue à écouter, mais un format flexible, actionnable, avec feedback. Une école qui considère l’adulte comme participant, pas comme pupille.
Créez votre micro-routine d’apprentissage : Même 10-15 minutes par jour peuvent faire la différence. Combinez lecture, réflexion, mise en pratique. Répétez. Comme pour un muscle, l’apprentissage se muscle.
Et maintenant ?
L’école de demain pour adultes n’est pas un mirage. Elle est possible, elle commence à exister, elle prend forme. Mais elle ne se fera pas sans vous. Vous, l’adulte qui veut apprendre encore, qui veut changer, qui veut grandir. Vous êtes au centre.
Alors, arrêtons de rêver d’un « retour à l’école » comme avant. Réinventons-le. Un lieu, un format, une communauté. Une école qui dit : « Oui, tu as vécu, tu as fait, tu as le droit de recommencer — de façon adaptée à ta vie, à ton rythme, à ton désir. »
Et si comme l’article « Apprendre à apprendre » l’affirme : ce n’est pas « sans effort », mais avec méthode, volonté, et bon support — alors cette école de demain devient réalité.
Victor Jeoffre
Fondateur de We Hate School



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